Debout l'humanité !

Debout l'humanité !
Déserteur japonais pendant la guerre au Paipania, Tenka Taihei est fait prisonnier dans le sinistre laboratoire médical de l’armée japonaise. Là, au cours des expériences qui sont menées sur lui, on découvre qu’il est possesseur de spermatozoïdes uniques au monde. Forcé de signer un contrat qui restera valable même après la guerre, Tenka Taihei se prête malgré lui à la création d’un genre nouveau d’humains dont il est l’unique géniteur. Le statut de ces nouveaux êtres n’étant pas clairement défini, libre cours est laissé aux plus grandes dérives et jeux de pouvoirs à leur encontre. Des jeux qui pourraient bien conduire l’humanité à sa perte.

Tenka Taihei : personnage principal, « bonne pâte mais manipulable » selon le résumé de l’édition française, ces qualificatifs le décrivent parfaitement. Militaire de carrière, il n’a tout de même pas apprécié de se faire enrôler de force comme volontaire pour la guerre au Paipania et a déserté.

Lila : une des deux principales femmes de l’histoire. Tenka Taihei l’a rencontrée au Paipania quand elle a tenté de placer une bombe sur lui pour faire sauter le laboratoire avec. Guerillera qui a perdu toute sa famille dans la guerre, elle épouse finalement Tenka et consent à l’accompagner au Japon. Elle reste une épine dans le pied des puissances qui cherchent à manipuler Tenka Taihei.

Capitaine Reach : rencontrée au laboratoire médical de l’armée, Tenka Taihei a une faiblesse pour le capitaine Reach. Celle-ci étant dévouée corps et âme à l’armée et à son devoir, elle usera de cette faiblesse sans scrupules pour pousser Taihei à l’obéissance.

Professeur Otômo : Au départ fait prisonnier avec Tenka Taihei, il se débrouille rapidement pour prendre un ascendant sur lui et récupérer le contrat qui lie Taihei pour son bénéfice. Ses motifs semblent se partager entre l’approfondissement des connaissances scientifiques, sa propre cupidité, et une idéologie eugéniste.

Akira Kizagami : journaliste à la solde de l’industrie des média et du plus offrant, akira kizagami est celui qui apporte de nouvelles (et incroyables) dimensions à l’exploitation du nouveau genre humain dont Tenka Taihei est la source.

Miki : est le premier enfant de Tenka Taihei, le premier de son genre. Loyal entièrement à son père et à ses pairs, Miki est l’un des principaux fauteurs de troubles parmi les nouveaux humains, appelant à la rébellion pour faire cesser la tyrannie à leur encontre.

Ayant entendu pas mal parler d’Osamu Tezuka, j’ai saisi l’occasion de tester moi-même ses manga en passant dans une librairie. J’ai arrêté mon premier choix sur Debout L’humanité ! et on ne peut pas dire que j’ai été déçue. Mais procédons par ordre :

Le dessin


Le dessin n’est pas vraiment le point fort de l’histoire. Ici, peu de trames, de détails, des personnages peu travaillés, avec un léger côté cartoon. Pour autant, ce n’est pas un désavantage non plus, car le dynamisme donné à l’histoire est d’autant plus fort grâce à ce dessin qui se centre sur l’essentiel. Je vois cela davantage comme un parti pris de l’auteur qu’une négligence ou un défaut. Le fait que les autres œuvres d’Osamu Tezuka soient faites d’un dessin plus soigné, bien que parfois plus anciennes, conforte cette théorie. Cela dit, si vous voulez quelque chose de beau, qui vous en mette plein la vue, allez plutôt lire Bride Stories.


Le scénario


Ce manga a été publié pendant la guerre du Vietnam, quelques années après la seconde guerre mondiale et les expériences médicales des armées sur les hommes, et ça se sent. La situation initiale se situe dans un environnement (le Paipania) dans lequel on reconnaît sans peine le Vietnam et les atrocités banales qui y sont perpétrées.
Debout l’humanité ! s’inscrit donc de ce point de vue comme une critique très contemporaine, et pourtant, il soulève des questions intemporelles, que le XXe siècle a (re)posées.

L’humanité et l’inhumanité des hommes, leurs idéaux et leur cupidité, sont au centre de cette œuvre.
La question de la valeur d’une vie humaine est vue et revue sous plusieurs aspects. Dans quelle mesure peut on utiliser, rentabiliser, un être humain ? L’esclavage serait-il, finalement, humain plutôt qu’inhumain ? Un humain doit-il correspondre à un idéal ?

« Pas de pitié pour les éléments ratés. » professeur Otômo.

La fabrication industrielle d’humains dans un but d’utilisation spécifique dès la naissance (ou la mise en tubes à essais) rappelle le monde futuriste de Brave new world d’Aldous Huxley, quand des idéaux et la science se croisent, et mettent en péril les repères de l’identité. Car après tout, qu’est-ce qui nous rend humain ? La valeur de notre vie comme évoqué plus haut ? Ou bien peut être notre travail et notre utilité. Mais si c’était… notre genre ? Sommes-nous hommes et femmes avant d’être humains ? Et dans ce cas, que sommes-nous si ces frontières déjà floues entre homme et femme se brouillent encore plus, tellement qu’elles disparaissent ?

Le pouvoir de l’argent et l’industrie des médias sont également évoqués de manière très liée l’un à l’autre. L’argent qui ferait faire n’importe quoi à tant de monde. Et qui transforme les médias, outil au but d’information et de communication le plus objectif possible, en une retransmission du morbide et sordide qui joue sur les fascinations malsaines pour faire monter l’audimat. On retrouve là, dans une mesure bien plus forte, le truc de vente principal de bien des magazines de faits divers dont la recette magique consiste à fasciner le plus morbidement et sordidement possible les lecteurs, tout en jouant sur leurs fantasmes les plus communs. La critique de Tezuka sur ce point est particulièrement violente.

De toutes ces remises en cause découle logiquement celle de la morale. A quoi s’applique la morale ? La morale peut-elle justifier la vengeance ? Est-ce qu’il y a, en fait, réellement une morale ou celle-ci a-t-elle été supprimée avec l’argent ?

A toutes ces questions, Tezuka ne propose pas de réponses tranchée. Je ne conseillerais probablement pas ce manga s’il le faisait. En revanche, il expérimente, étudie, au sein de son œuvre, les convictions et le comportement de personnages mis en face de ces questions avec une précision chirurgicale.

Je met ici la critique de l’édition française qui résume plutôt bien l’ensemble :
« Dans un style dynamique, proche du dessin de presse, cette œuvre antimilitariste aborde avec acuité les questions de sexe, de genre, de racisme, sans oublier de taper allègrement sur les médias et les industries culturelles. »

Pour toutes ces raisons, mais pas seulement celles-là, Debout l’humanité ! est un manga que je recommande.

Car enfin, avant d’être une œuvre qui fait réfléchir, Debout l’humanité est un manga qui répond au critère de base : sa lecture est agréable. D’une manière générale, cette expérience est très bien menée, les personnages comme le scénario cohérents, et pourtant parfois incompréhensibles de tout autres qu’eux-mêmes. C’est une histoire qu’on peut lire avec plaisir et détente tout comme avec beaucoup de sérieux. Dans tous les cas, Tezuka vous emporte avec dynamisme dans une aventure avec de multiples rebondissements, jusqu’à ce que vous soyez vous-même au Paipania.

La lecture agréable et dynamique de cette œuvre plaira, de même que la façon presque naïve d’aborder certains sujets de la sexualité. Pour autant, la reconsidération de ce qu’est un être humain risque fort de venir se poser après la lecture. D’un manière générale, je conseille ce manga à tous ceux que les thèmes évoqués plus haut intéressent, ceux qui aiment bien réfléchir, et encore à ceux qui ont envie de lire un manga curieux, voire carrément étrange.
, le 21.02.2014

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Titre original Ningen domo atsumare !
1ère parution
Genre(s) Drame
Volume(s) 1
Auteur(s)
Éditeur Flblb
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